L’idée de représenter de manière rationnelle et chiffrée l’activité économique d’un pays remonte à la tentative de François Quesnay au milieu du 18 ième siècle. Son tableau comportait des incohérences mais on comprend aisément l’intérêt de ce type de documents pour mieux comprendre l’économie, améliorer son fonctionnement et bien sûr l’utiliser pour la fiscalité.
Un siècle plus tard, la quasi totalité des pays produisent une comptabilité nationale qui comporte plusieurs documents permettant d’établir le fondement de la politique économique. Le PIB en fait parti.
Nous posons ici la question de la véracité et de la précision de mesure du PIB.
On peut tout d’abord considérer la chose mesurée comme le font les scientifiques : mesurer une table avec un mètre ruban implique forcément une marge d’erreur due à la qualité de la vision. On indiquera alors que la table mesure 153.52 cm + ou – 1 mm. Pour ce qui concerne l’activité économique, on a une idée, pas très précise de la marge d’erreur mais les économistes s’en tirent en faisant l’hypothèse que l’erreur de mesure est constante dans le temps, et qu’on peut ainsi comparer des tableaux de dates différentes. On peut aussi faire l’hypothèse que les erreurs de mesures s’exercent en positif et en négatif et qu’elles se compensent ; d’où l’expression « l’erreur est juste ».
Il y a d’abord des activités économiques qui devraient être intégrées dans le PIB mais que l’on n’arrive pas à identifier. C’est le cas du travail au noir dont l’estimation n’est pas très précise et contre laquelle l’administration lutte difficilement.
Il y a aussi des activités qui pourraient être intégrées dans le PIB comme les services de santé et d’éducation produits par l’état. Plus discutable, l’introduction du travail domestique ou des loisirs. Dans le processus de production, pour tenir compte de l’obsolescence plus rapide dans les nouvelles technologies, on suggère de valoriser la dépréciation des biens d’équipements.
Il y a ensuite des activités économiques qui pourraient être intégrées dans le PIB mais qui sont interdites par la loi. C’est le cas de la production et de la vente de drogues. En France, des projets de lois envisagent la dépénalisation de cette activité. L’objectif étant de casser son marché et ses prix en proposant de manière légale des drogues à bas prix, dans le but, de ne plus ruiner les utilisateurs et d’éradiquer l’offre. Il y aurait donc, des transactions commerciales légales et pourquoi pas une TVA, des impôts, des taxes…L’estimation du chiffre d’affaires du commerce de drogues en France est de l’ordre de 2 milliards d’euro ; et Au niveau mondial il représente 10 % des échanges internationaux.
On pourrait aussi sortir certaines activités actuellement intégrées dans le PIB. C’est le cas de certaines activités religieuses associatives ou de la prostitution en France si elle devait ne plus être tolérée. En tout cas, les statisticiens de l’INSEE réfléchissent à de telles évolutions. Pourraient également être modifiés, les montants des transports domicile-lieu de travail par l’utilisation de la voiture personnelle ainsi que les coûts des prisons qui devraient être comptabilisés en consommation intermédiaires plutôt qu’en produits finaux.
Pour répondre aux préoccupations écologiques, les coûts de réparation des catastrophes écologiques justifient-ils vraiment un accroissement du PIB. Sur le plan strictement économique on se pose également la question de la Valeur Ajoutée dans le PIB des bénéfices rapatriés des sociétés étrangères qui n’augmentent pas le niveau de vie.
On peut ainsi établir une liste d’activités économiques dont la mesure et l’intégration dans le PIB sont à l’origine de discussions intéressantes. Mais ce qui émerge avec le plus de pertinence ce sont trois thématiques susceptibles de remettre en cause les concepts, les outils et les relations de la science économique avec d’autres domaines.
- Le côté paradoxale de certains aspects comptables : les accidents de la route créent de la valeur (réparation automobile, santé, juridique…)
- La dégradation de l’environnement : non comptabilisée ou bien générant des activités de type rustine.
- La consommation irréversible des ressources naturelles à un rythme tel que l’alternative n’est pas envisageable avec un risque de disparition complète.
Plus généralement, la question du bien être dans le temps comportant l’espérance de vie, le développement humain, la sécurité, et bien d’autres facteurs ont été étudiés en profondeur dans le rapport « Stiglitz Sen Fitoussi ». Ce rapport a suggéré la confection de nouveaux indices dont certains sont déjà opérationnels. Des indices du bonheur ont notamment été mis en place dans l’OCDE.
Bernard Biedermann
Conjoncture et décisions