Même si les projets d’une réforme complète de l’assurance maladie ne passionnent pas encore les foules, il serait souhaitable que les politiques s’y intéressent de plus près. Et ceci pour au moins trois raisons: un déficit chronique dont on ne voit pas la fin, une dégradation de la qualité des soins notamment à cause de la désertification et, l’évolution de la pratique médicale.
Pour certains, la philosophie du « médecin de famille » est en voie de disparition à cause, de la pluridisciplinarité des soins, de la croissance continue des innovations techniques, d’une population vieillissante et de la nécessité de la prévention. Ainsi, la priorité d’accès aux soins est de plus en plus différente d’un individu à l’autre ; La demande du sportif de haut niveau n’est pas comparable à celle du senior.
Mais la préoccupation de l’économiste est avant celle du déficit qui devrait atteindre 14 milliards en 2020 ! Les défauts et dérives du système actuel sont bien identifiés : faible responsabilisation du corps médical et des assurés, complexité et coûts excessifs des services administratifs, management rigide et surtout, contrôles de gestion et maîtrise des budgets velléitaires.
Le modèle de santé libre et concurrentiel présente l’avantage de fonctionner correctement dans plusieurs pays. Une réforme à la française devrait alors s’inspirer de ces expériences pour redéfinir le rôle régulateur de l’état et de son périmètre, établir les nouveaux flux financiers, préciser les responsabilités des compagnies d’assurance et de leurs assurés. Pour ces derniers il y aurait moins d’impôts et de CSG mais les cotisations à payer aux assurances devront intégrer les montants financés par l’employeur. Il conviendra de préparer la phase de mise en concurrence et la privatisation de services qui relèvent actuellement de l’administration. La tâche sera importante et nécessitera une grande activité politique pour convaincre, car nombre de Français sont encore attachés au système paritaire qui date de l’époque du CNR (Conseil National de la Résistance).
En attendant la mise en place d’un modèle de santé libre et concurrentiel se pose la question de la gestion de l’existant. Les recommandations de la Cour des Comptes destinées à l’Assurance Maladie sont révélatrices de la situation actuelle. Implicitement elles dévoilent un système à bout de souffle, mal géré et injuste pour beaucoup de Français. Un tiers de ces recommandations concernent les aspects financiers: la fraude, l’inefficacité des services, les gains de productivité, l’inadéquation des effectifs, les tarifications cliniques vs hôpitaux incohérents, le respect des objectifs de l’ONDAM…; En d’autre termes, des actions qui dans une culture de gestion d’entreprise privée seraient naturellement considérées comme prioritaires. Malheureusement les recommandations ne sont pas toujours appliquées et leur suivi peu contrôlé. L’absence de rigueur « à l’allemande » est de règle. A tout cela s’ajoute l’opacité concernant les informations détenues par la CNAM. Le SNIIRAM stocke annuellement plus d’un milliard de feuilles de soins dont l’exploitation statistique serait d’une grande utilité pour la prévention et pour les assurances, le jour où elles prendront des responsabilités dans le modèle de remboursement des soins.
Dans le PFLSS de 2015, plusieurs mesures visant à « transformer le système se santé et assurer sa pérennité par la maîtrise des dépenses » ont été adoptées ; la hausse de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie est fixé à 2,1% pour 2015, ce qui représente une économie de 3,2 milliards d’euros. Ces économies seront réalisées notamment grâce à une meilleure efficience de la dépense hospitalière, la rémunération des produits de santé à leur juste prix, le développement des médicaments génériques, le contrôle de la pertinence des soins et un accroissement du recours aux soins ambulatoires. » Mais s’agit il de mesures vraiment efficaces ou de rustines qui finiront par céder ou par être remplacées par d’autres ?
Quels que soient les résultats de ces mesures, il convient d’adopter pour le long terme une attitude d’ouverture qui puisse déboucher vers un nouveau système développant l’activité économique de la santé qui ne représente que 12 % du PIB français par rapport à 18 % aux USA.
Bernard Biedermann