De nos jours, le travail c’est du capital  

                                                       

  

                              

Conjoncture et décisions                       Bernard Biedermann                           http://www.Theoreco.com 

De nos jours, le travail c’est du capital                                                                               Novembre 2023

             

                                         De nos jours, le travail c’est du capital  

 

Dans les théories micro-économiques classiques, la production d’une entreprise dans une période donnée est fonction des facteurs de production, fixes et variables. Le facteur est fixe lorsque la quantité nécessaire à la production n’est pas fonction du niveau de production. Il est variable lorsque la quantité nécessaire dépend du niveau de production. Sur la courte période, les machines, l’outillage, les bâtiments sont des facteurs fixes, le travail les matières premières sont des facteurs variables. Sur la longue période, les facteurs fixes deviennent variables. Avec l’hypothèse de base selon laquelle le chef d’entreprise cherche en permanence à maximiser le profit, c’est-à-dire l’excédent des recettes sur les coûts, le concept de fonction de production a été développé. Il comporte plusieurs variables, sur le court terme comme sur le long terme comme, la productivité des facteurs, la productivité totale, la productivité marginale, la productivité moyenne, le taux de substitution technique entre facteurs, les rendements d’échelle, les fonctions de coûts et bien d’autres qui conduisent à la fonction d’offre qui rencontre la fonction de demande pour établir un équilibre économique. La loi de l’offre et la demande classique calcule sur la courte période les prix et les quantités vendues qui sont alors sensées déterminer les quantités fabriquées avec un certain niveau de facteurs de production sous contrainte de la maximisation du profit. Cette approche a-t-elle perdu une part de sa valeur explicative ?

                                        Une nouvelle relation homme machine

Aujourd’hui, dans la nouvelle entreprise, grâce au numérique, à la mondialisation, aux nouvelles cultures de management, à l’innovation et à la complexité croissante des produits et services, la vision que l’on peut avoir sur les facteurs de production a fortement évolué.

La relation entre le facteur humain et la machine est devenue beaucoup plus complémentaire avec dépendance réciproque en raison des profils techniques nécessaires et spécifiques selon les machines. L’idée sur le court terme d’une substitution entre facteurs de production ne s’applique pratiquement plus. Il en est de même pour l’analyse selon laquelle il y aurait décroissance de la productivité en fonction du niveau de production par produit. Le couple capital-travail est plutôt rigide, c’est-à-dire qu’il y a un niveau de production maximum en dessous duquel tous les niveaux de production sont toujours associés à la même machine et au même nombre d’employés. Ces cas de figure proviennent en partie du fait que dans les ateliers, il y a moins de machines mais elles sont plus productives. Dans ces conditions, l’entreprise, doit bien anticiper ses futurs niveaux de production. Il peut y avoir de la souplesse comme par exemple la production d’un modèle d’automobile qui provient d’une chaine de production pouvant être reprogrammée pour un autre modèle avec beaucoup d’ajustements devant être considérés comme des investissements. Les nouveaux modèles de robots sont conçus pour être programmables puis reprogrammables pour des productions différentes. On comprend alors qu’une société qui dépose son bilan aura moins de mal à revendre ses outils de production. On est loin de la machine à fabriquer du tissu qui n’était dédiée qu’à la production de tissu. On peut alors dire que le capital contemporain est libre dans la mesure où il peut fabriquer des produits différents.

La relation homme-machine a elle aussi bien évolué. Entre l’employé et la machine, à distance, il y a une interface numérique permettant d’assurer des contrôles réguliers de bon fonctionnement, des mises à jour de logiciel, divers ajustements et bien sûr des modifications sur les produits fabriqués. On est loin du film des Temps Modernes dans lequel Charlot travaillait tous les jours de la même manière, physiquement, dans le bruit, dans la pollution, à un rythme imposé en permanence. Le travail de production contemporain est de moins en moins routinier. Dans la distribution, l’activité de caissière très routinier, est de plus en plus remplacée par les caisses automatiques ou l’employé n’intervient que pour aider l’acheteur à effectuer les petites procédures sur les claviers.   

                                                                    Le travail c’est du capital

L’évolution dans le temps de l’employé, a bien changé. Au début il lui faut une formation initiale bien construite, puis, il y a régulièrement des formations pour s’adapter aux évolutions techniques. Elles remplacent les capacités précédentes qui « s’amortissent ». On peut alors penser que le travail est assimilable à du capital et que sa valeur évolue dans le temps en tenant compte des anticipations.  Les choses ont bien changé ; Paul Laffitte avait dit au début du siècle dernier « le travail, c’est du capital qui ne s’accumule pas » mais aujourd’hui, comme le disent les entrepreneurs, l’activité de recrutement est un véritable investissement.

 Les nouvelles machines intègrent des matériels de familles différentes (mécanique, électronique, informatique, interfaces, auto-contrôles, …) avec des services importants (de télécom, d’utilisation, de maintenance, de contrôle, de sécurité, de mises à jour, de back up, …). L’activité d’employés à profils différents, sur place ou à distance, est en permanence intégrée à la machine. L’homme qui pilote des smart machines a « une approche très différente des problèmes à résoudre pour corriger ou stabiliser : il passe du faire au faire faire » Max Blanchet. Ce type de configuration de systèmes intégrés rend l’activité de production efficace, optimale mais plus compliquée, ce qui nécessite des nouvelles activités de management pour la gestion et le suivi opérationnel des différents contrats. On doit également constater que les relations entre la fonction de production et la logistique des achats et des ventes ainsi que les différents plannings sont devenues beaucoup plus courtes et efficaces.                                                              

                                                   Modifier la fiscalité ?

Pour ces nouveaux systèmes de production on pourrait alors parler d’intrication durable entre le capital et le travail, les services, les prestations, etc.  La cohérence entre le business plan qui précède la décision d’investir et les résultats obtenus dans le temps s’avère être bien plus nécessaire notamment pour ce qui concerne les aspects financiers. De ce qui précède, on doit assumer le fait que dès l’ouverture d’un projet industriel, le travail et le capital ne sont plus deux variables séparées ; elles sont toutes les deux intégrées de manière complémentaire dans l’investissement. Se pose alors la question de la fiscalité. On pourrait imaginer un allègement fiscal calculé sur la masse monétaire directement liée à l’investissement, sur sa durée de son amortissement et en intégrant les prestations de services. Il s’agirait entre autres de relancer l’investissement en TIC qui, en France est en retard.

                                                                  Des nouvelles tendances         

Cette nouvelle approche de la fonction de production devra également être revue dans le contexte actuel où le numérique a un effet  « disruptif sur tous les secteurs d’activité et l’économie en générale : les comportements des consommateurs ont été modifiés, le fonctionnement et l’organisation des entreprises transformés, notamment par l’amélioration des chaînes de valeur, des processus de production, d’organisation managériale et leur business model ne cesse d’être remis en question» Gabriela Gublin Guerrero. Mais bien d’autres tendances sont de plus en plus fortes :

  • Economie circulaire
  • Impact de l’IA
  • Décarbonisation et politiques d’environnement
  • Respect des normes
  • Inadéquations dans le marché du travail
  • Gestion des risques sur les consommations intermédiaires importées
  • Politique des régions
  • etc

Pour les dirigeants politiques il y a beaucoup de choses à revoir.  On peut aussi penser que les politiques économiques deviennent de plus en plus difficiles à réaliser entre autres par le fait que ceux qui les produisent n’ont pas forcément eu des expériences professionnelles dans l’opérationnel de l’entreprise.

 

 

                                                                                                                                         Bernard Biedermann

                                                                                                                                      http://www.Theoreco.com

 

 

 

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