Mettre à jour le libéralisme

                              

Conjoncture et décisions                                Bernard Biedermann                           http://www.Theoreco.com 

Mettre à jour le libéralisme                                                                                Décembre 2023

 

                                                        Mettre à jour le libéralisme

 

Les économistes libéraux se plaignent souvent de ne pas réussir à convaincre leurs lecteurs et de constater que leurs idées ne se diffusent pas suffisamment. Les idées libérales font régulièrement l’objet de critiques qui les qualifient d’extrémistes, de réactionnaires, de pro-capitaliste exploitant, voire de climatosceptiques non scientifiques. Il y a sans doute d’autres raisons comme par exemple le fait que leurs argumentations sont trop souvent construites sur la base des théories économiques du dix-neuvième voire du dix-huitième siècle. Lorsque les analyses et les recommandations concernent, les échanges internationaux et les grandes décisions d’ordre technique sur le long terme ainsi que les fonctionnements des économies contemporaines, il conviendrait alors de réviser les principales hypothèses d’utilisation pour effectuer d’autres analyses. Quelques hypothèses fondamentales sur lesquelles les théories libérales ont été construites : transparence de l’information, atomicité de l’offre et de la demande, intervention minime de l’état, maximisation du profit, homogénéité des produits, liberté d’entrée sur les marchés, mobilité des facteurs, …  

                                                      Marché des échanges internationaux      

Un des grands principes consiste à dire qu’une économie libérale fonctionne bien lorsque tous les agents jouent le jeu. On peut alors très bien concevoir une économie libérale qui fonctionne correctement dans un pays en autarcie. Malheureusement les choses se compliquent à l’intérieur des marchés internationaux lorsque les conditions des échanges sont susceptibles d’être modifiés par une institution politique qui agit de manière autoritaire sur les prix, les quantités, les délais, etc. En toute rigueur l’approche libérale impose que tous les pays respectent les hypothèses de bon fonctionnement du marché, ce qui n’est pas le cas de nos jours et il faut bien prendre conscience qu’il y aura toujours des gouvernements qui pratiqueront des manipulations de marchés pour défendre les intérêts de leurs entreprises et de leurs consommateurs. Par ailleurs, lorsque dans les années 70 le projet de marché commun se construisait, les PIGS y étaient intégrés alors que des économistes libéraux prônaient deux Europes en cohérence avec les recommandations qui affirmaient que la construction d’un marché international ne devait se concevoir qu’avec des pays dont les PIB par habitant étaient approximativement de même niveau. L’histoire leur a donné raison.

Dans le contexte actuel, au niveau mondial, les politiques interventionnisme sont toujours présentes. Ceci se traduit par un accroissement des risques dans les transactions. Par exemple, lorsque la Chine décide de bloquer la fabrication et l’usage des containers, cela se traduit par des hausses de prix sur tous les produits exportés, au profit de l’économie chinoise. Ce genre d’évènements sont bien entendu imprévisibles et peu conformes aux mécanismes de fonctionnement des marchés libres. Les risques qui impactent les importations peuvent s’appliquer à beaucoup de produits importés (matières premières, énergies, circuits électroniques, …) et sont d’autant plus forts que ces produits font partie des consommations intermédiaires non substituables sur le court terme. Ricardo démontrait que grâce aux avantages comparatifs, l’Angleterre avait tout intérêt à vendre des draps au Portugal qui lui-même avait intérêt à vendre du vin aux anglais. Dans le cas ou des gouvernements auraient bloqué ces échanges il y aurait eu des baisses de CA mais pas de crise grave. Dans le secteur de la pharmacie, on assiste de plus en plus à des ruptures de disponibilité. Ces situations sont en partie dues au fait que les prix des médicaments vendus en France sont inférieurs à ceux d’autres pays en Europe, grâce ou à cause des négociations entre l’administration (toute seule) et beaucoup de fabricants. Ce genre de difficultés sont bien prises en compte dans les projets de réindustrialisation de l’économie française qui planifient des relocalisations de la fabrication des médicaments. Demain, que va-t-il se passer si des gouvernements interdisent l’importation de café et de chocolat d’Amérique du sud de pays qui doivent déforester pour cultiver ?  Dans les économies contemporaines, ces accroissements des risques sur les transactions internationales devraient conduire à de nouvelles approches managériales dans les entreprises et surtout à de meilleures anticipations et analyses des marchés dans les ministères de l’économie avec des interventions plus efficaces en termes d’équilibre économique.

                                                Progrès technique dans le long terme

La deuxième raison pour laquelle il faudrait une mise à jour du libéralisme provient du fait que dans les économies contemporaines, les flux de décisions à prendre sans retard, comprenant des composantes techniques sur le long terme sont de plus en plus importants. La plupart des grandes innovations ont pu se développer grâce à des aides directes ou indirectes des états. L’immense développement des GAFAM et notamment Google a pu se déclencher entre autres grâce aux résultats de la recherche par une agence du Département de la Défense Américain dans laquelle sont nées les idées relatives à un réseau global d’ordinateurs. Se pose alors la question de savoir quel doit être le rôle de l’état, pour préparer l’avenir. Entre l’ultra libéralisme dans lequel l’état ne s’occupe que de quelques fonctions régaliennes, et l’étatisme qui assume la planification des grands projets de long terme il y a de la marge. L’histoire nous montre bien que l’entreprise qui travaille dans un contexte de liberté est bien plus performante que la structure nationalisée mais lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies dont les investissements se font sur le long terme, il faut des candidats compétents, déterminés, courageux qui ne se lamentent pas dans l’incertitude. Dès le début de ces grands projets il y a des conditions de réussite dans un contexte économique complètement mondialisé: des résultats de la recherche bien programmés dans le temps, des brevets bien conçus, un marché du travail adapté, un système bancaire qui joue le jeu, une politique de formation adaptée et des conditions financières, normatives et fiscales qui tiennent compte du degré de risque, de surprise du fait qu’il n’y aura pas forcément des revenus  conformes à ce qui avait été anticipé dans les business plans.

Les configurations de l’immense marché des échanges internationaux, les conditions de croissance de long terme des secteurs innovants dans des nouvelles technologies nous conduisent à douter de l’efficacité des recommandations libérales traditionnelles. Elles ne se justifieraient que si toutes les entreprises de tous les pays respectaient les règles fondamentales dictées dans les textes libéraux. Parmi les secteurs d’activités aujourd’hui concernés par ces contraintes il y a, l’électronique, les circuits intégrés, la fabrique de médicaments, l’énergie, les banques, et bien d’autres comme le BTP qui dépendent de plus en plus des décisions politiques concernant l’environnement. D’autres variables plus globales, comme l’IA, l’économie circulaire, la cybersécurité, les nouvelles normes sur les plastiques, ont aussi des impacts sur les conditions de fonctionnement des marchés notamment parce qu’elles sont liées à des décisions politiques, différentes d’un pays à l’autre et dont on ne connait pas forcément les dates d’applications. Dans ces conditions, où tout est complexe et imprévisible il faudrait réviser les fondements des politiques économiques d’intention libérale. Vaste programme !  Car il faudra, faire preuve d’une bonne connaissance du monde des affaires, ne pas être binaire, être pédagogue, avoir l’esprit simplificateur (comme pour la RGPD) et savoir gérer la destruction créatrice dans la durée sans trop se référer aux écrits du passé.

                                                                                               

                                                                                                                                                                                                                                                             Bernard Biedermann

http://www.Theoreco.com                                                                                                                                                                                                                      

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