Epargne Salariale Contracyclique
Sous Le terme de politique économique contracyclique, on désigne habituellement l’ensemble des mesures permettant d’ accélérer ou de freiner la croissance dans le but d’atténuer l’ampleur des fluctuations de l’activité économique. Les instruments privilégiés sont, les dépenses publiques, les recettes fiscales et le déficit budgétaire et la politique monétaire qui conserve toujours une certaine efficacité. D’autres interventions comme la loi sur les 35 heures ou des systèmes d’incitation à épargner pendant les années fastes pour compenser les années difficiles sont également susceptibles de stabiliser les variations. A titre d’exemple cette dernière possibilité fait l’objet d’une mesure appliquée au Canada au profit des exploitants agricoles qui bénéficient pour l’épargne de précaution de taux d’intérêts supérieurs pendant les bonnes années. Globalement l’objectif essentiel est bien l’atténuation des cycles conjoncturels qui semblent réapparaître depuis quelques années avec ce constat, qu’il est plus facile de ralentir la croissance que de l’ accélérer.
Que proposent les outils traditionnels ? Deux approches de lutte contre le chômage par la relance de la croissance s’ opposent. Elles découlent de deux conceptions opposées.
• la conception libérale fondée sur une plus grande flexibilité des marchés et notamment celui de l’emploi
• la conception keynésienne privilégiant la relance par déficit budgétaire et soutien de la consommation privée.
Dans le passé, les politiques keynésiennes ont fait leurs preuves mais ont aujourd’hui tendance à perdre de leur
efficacité dans un environnement international où les contraintes de productivité sont de plus en plus fortes. Répercutés sur les coûts, les niveaux de salaires plus élevés annulent les influences positives de la relance de la consommation et le débat entre plus de flexibilité ou plus de salaire est loin d’être clos.
Il existe néanmoins une possibilité qui n’a pas encore été exploitée. Elle consisterait à utiliser les sommes placées dans le cadre de l’épargne d’entreprise. Son montant commence à être important ; la part de l’épargne salariale en France représente aujourd’hui plus de 3 % de la masse salariale totale. On pourrait, dans le but de relancer la consommation, autoriser le déblocage des sommes provenant de la participation et de l’intéressement à des dates déterminées par une nouvelle autorité dédiée à cette décision. Actuellement, un salarié a le droit de débloquer son épargne, au bout de 5 ans, et dans certaines circonstances , mariage, naissance, achat du logement d’habitation, rupture du contrat de travail, etc..
L’idée consisterait donc à créer des nouveaux fonds d’épargne dont la date de déblocage serait fixée en fonction de la conjoncture, c’est à dire en fonction de la phase du cycle dans laquelle se trouve l’économie. On pourrait imaginer que l’ autorité en charge de cette responsabilité serait composée de représentants du gouvernement, des salariés, du patronat et d’instituts de conjoncture.
L’avantage serait alors de relancer la consommation sans augmentation de salaire et sans faire appel au crédit qui est une solution délicate lorsque les revenus des ménages sont moins solides. En revanche, les salariés perdraient une part de leur degré de liberté de choisir la date à laquelle ils veulent disposer de leur fond ; il faudrait alors compenser cet inconvénient par un taux de rentabilité supérieur à ce qu’il est actuellement ou par des abondement complémentaires. Ceci pourrait très bien être accepté par les organismes financiers dans la mesure ou ce type d’épargne est de longue durée. On peut aussi imaginer que l’état participe à ces abondements en périodes favorables, ou lorsqu’une cagnotte se dégage des finances publiques.
Les aspects psychologiques ne devront pas être négligés. La question est de savoir quelle est la propension marginale à consommer au moment ou l’autorité décide de débloquer ces fonds. Dans une situation de forte incertitude, et d’augmentation du chômage, on pourrait craindre que les ménages réaffectent les sommes dont ils disposent vers des placements de précaution leur offrant une plus grand marge de liberté; l’opération de déblocage pourrait alors être combinée avec des incitations fiscales du type de ce qui avait été fait pour l’automobile il y a quelques années.
Comme pour toute action de politique économique, la réussite devra s’appuyer plus sur l’analyse des conditions du moment plutôt que sur celle des agrégats ( sur ce sujet, voir « Les patrons sont-ils des mous ? question posée à J.-M. Keynes ». Lepublieur.com.
L’utilisation de l’Epargne d’Entreprise Contracyclique comme outil de relance de la consommation, poserait sûrement d’ autres difficultés de faisabilité ou d’ordre juridique, mais il n’en reste pas moins que c’est une idée à travailler. Après tout, le Général de Gaulle avait lancer l’idée de la participation pour récompenser les salariés quand l’économie va bien, ne pourrait -on pas s’en servir quand elle va moins bien ?
Bernard
Biedermann
Conjoncture et décisions
Décembre 2003