Le contenu de cet article a été intégré dans l’essai « Le numérique, c’est l’économique » accessible par l’article : Le numérique, c’est l’économique, en tête du blog :
https://www.theoreco.com/macroeconomie-mondialisation/le-numerique-cest-leconomique-683.html
La part de la demande issue de la consommation des ménages est proportionnellement la plus importante. Elle représente de nos jours environ 85 % du total des revenus des ménages. Ses fluctuations ont un impact direct et indirect sur le niveau de la production et sur celui de l’emploi. C’est pour cela qu’on lui attribue habituellement le qualificatif de « principal moteur de l’économie ». Cette désignation prend toute son importance dans les économies développées et de croissance caractérisées par un changement des goûts des consommateurs et par une évolution permanente de la productivité des facteurs. Le terme de moteur est également justifié par le fait qu’on pense, à tort ou à raison, qu’on peut agir sur la régularité de la croissance en appuyant sur la pédale de l’accélérateur que constitue consommation.
Nous proposons de revenir sur les différentes théories explicatives en les positionnant selon l’approche calcul, nature des choses et temps. Nous suggérons également une représentation de la relation entre les besoins et l’utilité dans le but de proposer une explication de l’inertie de la consommation. La théorie de l’utilité marginale nous dit qu’à un prix d’équilibre il y a toujours des consommateurs qui n’ont pu conclure de transaction et qui restent donc insatisfaits. Ceci implique que le besoin demeure et que l’on devrait envisager sa continuité.
Il s’agit ici, de rappeler la complémentarité des théories de la consommation et de penser les phénomènes économiques dans leur caractère d’interdépendance.
I) Déterminants de la consommation et typologie des théories
1) Déterminants fonctionnant sur la base de calculs
Dans l’approche keynésienne la relation de causalité entre le revenu et la consommation signifie avant tout que les décisions des consommateurs sont, déterminées, par les variations du revenu plus que par celles des prix. Pour Keynes il s’agissait, d’abord de remettre en cause la théorie classique de l’époque pour laquelle, seul le prix expliquait le niveau de la demande puis, de proposer une vision globale et agrégée.
Le concept de propension marginal à consommer dc/dy affirmant que la croissance du revenu s’accompagne d’une croissance de la consommation non proportionnelle s’est avéré être, dans la réalité, une variable significative sur la durée alors que son pendant, pour l’investissement, l’efficacité marginale du capital fluctue sur le court terme.
La théorie macroéconomique de la consommation et celle de l’épargne sont complémentaires car les comportements des agents sont tels que les décisions en faveur de l’une influence l’autre. Ces décisions sont elles-mêmes sous l’effet de penchants subjectifs que le consommateur transforme en calculs et décisions. Il y par exemple la précaution, l’indépendance économique, la prévoyance, l’orgueil, l’avarice, etc. Keynes qualifiait d’irrationnels ces déterminants de la consommation en raison de leur imprévisibilité mais reconnaît la constance de la consommation globale par le concept de propension moyenne à consommer C/Y qui s’explique par « l’habitude ».
Par ailleurs, on peut également ranger le taux d’intérêt, les conditions fiscales et la stabilité de la monnaie parmi des variables de calculs. Dans nos économies le taux d’épargne est relativement stable. Dans les années 2002/2006 il oscillait autour de 15 %. On constate qu’en période de baisse des revenus réels, les ménages puisent dans les livrets de caisse d’épargne et que, « si ça continue, beaucoup de ménages vont se retrouver insolvables » (Marc Touati 2005). Parallèlement, la longue hausse de l’immobilier a créé un véritable effet de richesse qu’il convient bien sûr de nuancer selon les catégories sociales et selon les remboursements des emprunts à taux fixes ou variables. Cet effet Pigou consiste dans le fait que les banques prêtent plus facilement lorsque les garantis sont plus solides et réciproquement…, « tous les américains qui se croyaient riches grâce à la hausse de l’immobilier se retrouvent appauvris. L’effet richesse qui a entrainé, depuis une décennie, le cercle vertueux de l’euphorie consommatrice américaine se retourne en cercle vicieux » (Christian Stoffaes la tribune 7/02/08) ; avec néanmoins un espoir pour les jeunes américains qui ne sont pas encore propriétaires.
Chaque pays a sa propre culture de crédit. Les français l’utilisent beaucoup moins que les Américains, les Anglais ou que les Allemands. Ces derniers sont aussi « des épargnants consciencieux puisqu’ils mettent de côté 16.4 % de leur revenus. Mais, pour eux, quand il faut arbitrer entre s’endetter et puiser dans son épargne, le choix bascule plus souvent en faveur du crédit que dans l’hexagone » ( Héloise Bolle, Challenges 2005).
Il y a un phénomène relativement nouveau que l’on constate depuis quelques années. C’est l’impression de baisse de pouvoir d’achat ressenti par les ménages alors que les chiffres officiels démontrent le contraire. Certains produits connaissent de fortes augmentations (essence, fuel, tabac, primes d’assurances..), mais elles ne sont apparemment pas compensées par les baisses spectaculaires des produits et services des nouvelles technologies dont on ne peut nier l’effet sur le pouvoir d’achat des encaisses de transaction. Comme leur consommation est devenu frénétique, leur addition pour les ménages n’a cessé de s’alourdir et, comme le titrait Capital en 2005, « les ménages dépensent plus sans s’en apercevoir ». Cette tendance est d’autant plus intéressante que la quasi-totalité des ménages disposent depuis plusieurs décennies de calculettes et d’ordinateurs pour faire leurs comptes mensuels et annuels. On pourrait dire que la pression de la société de consommation – et celle des enfants – voilent les calculs rationnels des bons pères de famille. Mais quand ils calculent bien , il s’attachent à mesurer « le revenu dont on dispose librement, lorsqu’on a payé tout ce que l’on est « obligé » de consommer ( logement, assurance, électricité, voiture…), car ces dépenses « contraintes » représentent aujourd’hui plus du tiers des dépenses des ménages, ( Franck Portier , le Monde 11 décembre 2007). Tout cela conduit naturellement à se pencher sur ce que les conjoncturistes appellent le moral ou la confiance des consommateurs.
2) Déterminants liés à la nature des choses
Les conjoncturistes parlent de confiance des consommateurs ou du moral des ménages. Ce dernier fait l’objet d’indices de court terme calculés, sur la base de la méthode des sondages comprenant des questions sur la perception du pouvoir d’achat, les intentions d’achats, la perception de la solidité de l’emploi, celle de l’environnement économique… ( Consumer Confidence Index aux Etats-Unis, IPSOS SOFINCO en Europe). La variable la plus significative est la perception des ménages relative à l’emploi. « La confiance a une double base : la situation du ménage et l’idée qu’il s’en fait. Cette dernière agrège la perception de l’entreprise où il travaille, et celle des entreprise en générale, le fameux climat des affaires » (Jean-Paul Betbèze, Le monde 20/11/01).
On peut établir un parallélisme avec ce que Keynes appelait les esprits animaux en parlant de ceux qui prennent les décisions d’investissement sur le long terme. Ces deux variables d’origine psychosociologiques auraient une influence sur le cycle des affaires avec une inconstance de l’intensité de la causalité et des phénomènes de retards et de compensations surtout pour ce qui concerne les indices des consommateurs. Il n’en reste pas moins que ces indices sont suivis de près dans le monde des affaires, particulièrement en période d’incertitude ou de ruptures de tendance. Ce qui rend l’analyse délicate s’est l’aspect exogène et « irrationnel » de la variable de moral et de confiance des ménages. On constate souvent un moral bas avec un pouvoir d’achat en hausse et réciproquement une confiance solide alors que la conjoncture s’oriente à la baisse. Ceci s’explique par la déformation engendrée par la perception des choses ainsi que les retards par rapports aux indices et signes de l’économie réelle. Existe-t-il une relation de causalité entre le moral des ménages et leur consommation ? Entre 1996 et 2002, il y a une très grande stabilité de la consommation des ménages et ce, malgré la montée du chômage.
Les conjoncturistes constatent qu’en période de moral élevé, les décisions d’achats sont mieux planifiées, assises sur plus de certitude, conclues à des dates anticipées, et relativement mal négociées ; c’est souvent le cas dans le secteur de l’automobile. Les périodes de moral élevé sont également celles ou les ménages ont tendance à acheter des produits et services de nouvelles technologies (arts ménagers, Hi Fi, nouvelles destinations de voyages,..).
En situation de moral bas, ces tendances s’inversent mais avec des phénomènes de compensation. On se souvient du boom sur la consommation de Champagne aux fêtes de Noël 1974, en plein choc pétrolier. Il y a aussi des phénomènes de substitution, produits de luxe vers produits discountés (dans les cosmétiques, les produits de beauté, les vêtements, etc.). En revanche comme le constate le CREDOC la sinistrose n’affecte pas le niveau de la demande potentielle.
Concernant les prévisions, les instituts de conjoncture sont plutôt sceptiques à l’égard des indices de confiance essentiellement en raison des effets retard des perceptions des consommateurs. En fait, les ménages extrapolent selon la situation à un moment donné. Il convient donc de différencier la situation réelle de celle qui est perçue.
A propos des évènements non économiques, Lynn Franco, responsable des Indices du Conference Board, constate que « la psychologie des consommateurs réagit aux évènements politiques, aux guerres, au terrorisme, aux krach boursiers. Mais il est frappant de constater, sur près de quarante ans de statistiques, que les évènements non économiques, ont finalement un impact limité dans le temps. La confiance enregistre des soubresauts et revient ensuite progressivement à la normale. La capacité du consommateur américain est tout à fait étonnante ».
En matière de politique économique, le moral ou la confiance ne se décrète pas et les résultats des mesures qui visent à relancer artificiellement la consommation sont souvent mitigés. En France, on constate une remarquable stabilité annuelle de la consommation même lorsque le chômage augmente ; les statisticiens de l’INSEE affirmaient en 2002 que « la montée du chômage, au début des années 90 n’a contribué que faiblement au ralentissement de la consommation ». « En fait, ce n’est pas tant l’inquiétude ou la confiance qui déterminent l’essentiel des comportements d’achats que les moyens financiers dont les ménages disposent. Evolution des salaires nominaux ou de la masse salariale, baisse se l’inflation, plus grande facilité à recourir au crédit sont autant de moteurs plus puissants que la confiance en l’avenir. » (Les Echos mars 2002).
Emulation sociale
La variable « confiance » des ménages ne peut être isolée des influences sociales. Duesenberry précisait que « …du désir d’émulation sociale, il résulte que l’épargne effectuée par un individu, dépend non seulement de son revenu, mais du revenu des autres personnes avec lesquelles il vit : au contact de biens supérieurs ou de niveaux de vie plus élevés, de nouveaux désirs apparaissent et élèvent la propension à consommer. A l’inverse, lorsqu’il n’y pas de contact social, les désirs de consommation peuvent devenir faibles….. » (Pierre Marie Bradel) ; remarquons simplement que l’analyse de Duesenberry date des années 40 et que l’environnement social a bien changé depuis. L’aspiration à être et vivre comme « sa » classe supérieure de référence n’a cependant pas vieillit ; mais si la croissance des revenus le permet moins, on pourra toujours essayer de se satisfaire en ne sélectionnant que quelques produits, y compris culturels, pour n’en consommer que les signes. En 1974, Baudrillard nous expliquait qu’« aujourd’hui, la consommation – si ce terme a un sens autre que celui que lui donne l’économie vulgaire – définit précisément ce stade où la marchandise est immédiatement produite comme signe, comme valeur /signe, et les signes (la culture) comme marchandise. » (Pour une critique de l’économie du signe. Jean Baudrillard) De ce point de là, les choses n’ont pas changé, bien au contraire.
3) Déterminants liés au temps
Au-delà des anticipations objectives ou subjectives qui agissent sur des décisions d’achat précises en tant qu’elles se transforment en fonctions de demande susceptibles de faire l’objet d’anticipations au sens de la demande effective de Keynes, plusieurs théories élargissent l’horizon temporel.
Dans la théorie du cycle de vie, Franco Modigliani constate que pendant leur période d’activité, les ménages consomment moins que leur revenu en raison de la constitution d’une épargne de précaution pour la retraite. Cette épargne de long terme est devenue une véritable préoccupation depuis la prise de conscience de la future pyramide démographique. Dans les faits, les épargnants limitent leur consommation par un niveau de flux d’épargne estimé leur permettre de « limiter les dégâts » en période de retraite. Il s’agit plus d’une vision floue de l’avenir que d’un calcul précis ; ce qui est cohérent dans la mesure l’individu ne peut estimer son espérance de vie et donc celle de sa retraite. De plus les ménages ont tendance à ne pas envisager les changements technologiques ou démographiques quels que soit le sens positifs ou négatifs de leurs effets. En réalité, compte tenu de l’espérance de vie moyenne, le taux d’épargne actuel pour la retraite est largement insuffisant par rapport au niveau de vie que la plupart des classes actives espèrent obtenir quand elles quitteront leur activité professionnelle. On ne peut donc parler uniquement d’optimisation de valeur dans le temps mais plutôt d’un besoin actuel de satisfaire une inquiétude. Modigliani fait cependant l’hypothèse de la stabilité des ressources tout au long de la vie ; Elle détermine ainsi le niveau de consommation.
Sur le moyen terme, Duesenberry, avait mis en évidence l’effet de cliquet, selon lequel, le niveau de consommation d’une période, dépend du niveau de consommation le plus élevé des périodes précédentes.
Selon Friedmann, l’individu anticipe ses revenus et prend ses décisions de consommation en fonction de ses revenus actuels et des ses revenus futurs.
Sur le long terme, dans une économie qui connaît une hausse continue du niveau de vie, la propension moyenne à consommer qui est globalement une variable anticipée diminue régulièrement. Cette loi proposée par Keynes se décline au niveau macroéconomique et en fonction de la répartition par catégories de revenus.
Ceci est en cohérence avec les lois d’Engel qui constatent l’évolution des parts respectives des produits dans le budget des ménages (baisse de l’alimentation, de l’habillement, stabilité du logement, hausse des loisirs…).
Sur le moyen terme, Brown relève l’effet mémoire selon lequel, la consommation dépend également des habitudes de consommation. Par cet effet de cliquet, les ménages ont tendance à maintenir leur niveau de vie quitte à puiser dans leur épargne. A ce sujet on constate très souvent un délai entre une baisse du pouvoir d’achat provoquée par des prix à la hausse et la décision de puiser dans les comptes d’épargne ou d’effectuer des substitutions entre produits comme si les consommateurs avait besoin de plusieurs confirmations de la hausse des prix. Il y a donc une tendance à reporter à plus tard ; « Ceci doit être interprété par une attitude passéiste ; on ne « suit pas ses consommations, on ne rectifie pas le tir, on ne négocia pas son loyer alors qu’on peut le faire ….on regarde à la fin du moi ce qui reste. C’est le solde en fin de mois qui peut conduire à une restriction volontaire… » (Jean Charles Simon, Tribune 3/04/07)
L’incertitude relative au long terme contribue largement à renforcer le taux d’épargne. On a pu le constater en 2003 lorsque le contenu de la réforme des retraites a été précisée il y a eu une libération d’une partie de l’épargne jusqu’ici bloquée par précaution, ce qui a incité les gouvernements à finaliser ces réformes afin de produire un surcroit de consommation par inversion des anticipations. Ce type de phénomènes se constate également en cas de changement des contraintes fiscales.
Par ailleurs, les conditions contractuelles de vente ont une influence croissante sur la rigidité de la consommation par la généralisation des abonnements reconductibles de biens et de services. Il faut également ajouter les périodes de soldes très précisément planifiées par les consommateurs et qui ne peuvent être perturbées que par la météo qui de nos jours a plus d’influence sur la consommation des biens de consommation que sur les produits de l’agriculture.
La structure de la distribution vers le consommateur final fait régulièrement l’objet de discussions relatives au pouvoir d’achat. C’est le cas en France où l’offre de grandes surfaces est encore bridée par des contraintes juridiques.
II) Représentation des besoins et rôles sur l’utilité
L’approche marginaliste établit une relation entre les biens et l’utilité qu’en tire le consommateur. Cette relation constitue le fondement de la fonction de demande .On peut distinguer deux type de biens : les biens pour lesquels une utilité est déjà fournie au consommateur, ils appartiennent au consommateur dans le sens où ils ont fait l’objet d’une transaction préalable et les biens qui fourniraient au consommateur un nouveau niveau d’utilité globale dans le cas où il les achèterait. C’est cette deuxième catégorie de biens qui permet de construire la fonction de demande.
La théorie de l’utilité n’a jamais vraiment précisé la relation entre le niveau de satisfaction et les besoins du consommateur. D’abord parce que ceci n’est pas nécessaire pour comprendre comment on passe de la notion de satisfaction à celle de la demande, ensuite parce qu’il a bien fallu déterminer une frontière entre l’économie et les domaines de la psychologie et la sociologie. Les économistes se contentent de l’existence des besoins sans se poser la question de leur origine. Il y a cependant une distinction entre types de besoins lorsqu’il s’avère utile d’expliquer le niveau de l’utilité marginale relative entre plusieurs biens ou de l’élasticité de leur courbe de demande.
Ce que nous proposons ici consiste à intégrer certains aspects de la théorie des besoins en tant qu’ils peuvent apporter des explications au phénomène de la consommation. Quatre composantes nous semblent intéressantes ; le caractère de continuité des besoins, l’évolution de leur tension dans le temps, les relations d’application entre les besoins et les biens et le processus de rencontre entre le besoin de base et les biens offerts sur le marché.
1) Quelques aspects de la théorie du besoin
Concernant le caractère de continuité des besoins la théorie de la psychologie des besoins établit les caractéristiques suivantes :
• un caractère vital,
• une hiérarchisation,
• une permanence fluctuante et évolutive,
• une modification de la forme de la satisfaction,
• un caractère universel
Dans sa théorie Maslow propose une priorité et une hiérarchie s’établissant des besoins vitaux jusqu’aux besoins d’épanouissement de soi.
Dans le cadre d’une recherche de relation dynamique besoins/ utilité on devrait donner au caractère de continuité l’importance que la réalité suggère. Et, attribuer à ce caractère de continuité une notion de tension pour préciser l’intensité du besoin agissant au niveau de l’utilité.
Evolution de la tension des besoins
L’approche utilitariste se fonde sur l’existence des besoins sans se préoccuper de leurs conditions d’apparition et d’évolution. Pourtant, les explications concernant la plupart des transactions gagneraient à intégrer ces considérations. Prenons le cas d’achat d’un véhicule : immédiatement après l’achat de la nouvelle voiture, nait le besoin de la suivante dont l’achat aura lieu quelques années plus tard. Le besoin de la nouvelle voiture est proche de zéro juste après l’achat puis augmente progressivement au fur et à mesure de l’usure et/ou de son obsolescence. Ceci est vrai pour tous les achats récurrents (croissants du petit déjeuner, vacances, tenues vestimentaires, décoration d’habitation …) et la tension du besoin est d’autant plus forte que la décision d’achat à du être retardée comme par exemple pendant les périodes de guerre, ou, lorsque le drogué n’a pu se faire livrer sa dose ou encore lorsque le prix d’un produit est resté longtemps à niveau de prix tel que peu de consommateurs peuvent y accéder pour des raisons de revenu comme par exemple les télévisions à écran plat à leurs premières années de diffusion.
Relations d’applications entre biens et besoins et leur rencontre
Nous suggérons deux types de relations entre les besoins et les biens proposés. Une relation surjective des besoins vers les biens : un produit peut répondre à plusieurs besoins comme par exemple la voiture satisfait le besoin de déplacements professionnels, celui des loisirs et celui de paraître. Parallèlement, il y a une relation surjective des biens vers les besoins : un besoin peut être satisfait par plusieurs biens : le besoin de paraître peut être comblé par un séjour de vacances dans une station chic, par une nouvelle voiture, par une nouvelle garde-robe etc.
Ces deux relations parallèles sont complexifiées par le fait que besoins et biens subissent dans le temps et sous l’effet des stratégies marketing des transformations vers une plus grande sophistication. Le besoin de boire peut se transformer en une sous variétés de besoins plus précis (boire sucré, froid, un liquide gazeux,…) eux-mêmes transformés en un besoin de tel ou tel soda.
Côtés produits il y a également sophistication par le développement de modèles définis sur la base d’analyse de besoins. L’économiste se pose alors la question de l’œuf ou de la poule mais le processus de rencontre antérieur à la phase de marché nous semble tout autant nécessaire à la compréhension de l’équilibre.
III) L’inertie de la consommation
Ces différentes analyses permettent d’expliquer l’inertie des flux de la consommation. Plusieurs phénomènes y contribuent : la permanence des besoins dans le temps, le processus de « relais » entre besoins et biens rendus possible par la double surjection ; cas de vacances à Gstaad ou le besoin de paraître est plus important que celui de faire du ski. Les comportements d’imitation ainsi que le besoin de rattraper les classes sociales supérieures sont également facteur de continuité car les biens et services souhaités nécessitent un revenu préalable supérieur. Dans ce processus, il y a souvent une attente entre le besoin et la possibilité de le satisfaire. Dans les économies occidentales, en croissance, les revenus des ménages sont (encore) en croissance tout le long de l’activité professionnelle. A tout moment, pour chaque catégorie socio professionnelle, il y a un panel potentiel de biens et service correspondant à la CSP supérieure.
Ces facteurs contribuent à l’inertie de la consommation et donc à sa relative stabilité rarement affectée par des mouvements inattendus qualifiés par les conjoncturistes de « surprises » dans la mesure où ils ne sont pas conformes aux relations habituelles de causalité. Cette analyse des facteurs d’inertie va dans le sens de l’article « Homo Economicus, calcul, temps et choses, Conjoncture et décisions, octobre 2007», dans lequel nous proposons une conception des biens et services caractérisée par leur complémentarité, leur fonction et leur interdépendance.
Bernard Biedermann
Conjoncture et décisions
juin 2008