Consommation : inertie et fluctuations

                                    

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La part de la demande issue de la consommation des ménages est  proportionnellement la plus importante. Elle représente de nos jours environ 85 % du total des revenus des ménages. Ses fluctuations ont un impact direct et indirect  sur le niveau de la production et sur  celui  de l’emploi. C’est pour cela qu’on lui attribue habituellement le qualificatif de « principal  moteur de l’économie ». Cette désignation prend toute son importance  dans les économies développées et  de croissance  caractérisées par un changement des goûts des consommateurs et par une évolution permanente de la productivité des facteurs. Le terme de moteur  est également  justifié  par le fait qu’on pense, à tort ou à raison, qu’on peut agir sur la régularité de la croissance en  appuyant  sur la pédale de l’accélérateur  que constitue  consommation. 

Nous proposons de revenir sur les différentes théories explicatives  en les positionnant    selon l’approche  calcul, nature des choses et   temps. Nous suggérons également une représentation de la relation entre les besoins et l’utilité dans le but de proposer une  explication de l’inertie de la consommation.  La théorie de l’utilité marginale nous dit qu’à un prix d’équilibre il y a toujours des consommateurs qui n’ont pu conclure de transaction et qui restent donc insatisfaits. Ceci implique que le besoin demeure et que l’on devrait envisager sa continuité.

Il  s’agit ici, de rappeler la complémentarité des théories de la consommation  et de penser les phénomènes économiques dans leur caractère d’interdépendance.

 

            I) Déterminants de la consommation et  typologie des théories

 

                                                1)  Déterminants fonctionnant sur la base de calculs 

 

Dans l’approche keynésienne la relation de causalité entre le revenu et la consommation signifie avant tout que les décisions des consommateurs sont, déterminées, par les variations du  revenu plus que par celles des prix. Pour Keynes il s’agissait, d’abord de remettre en cause la théorie  classique  de l’époque pour laquelle,  seul le prix expliquait  le niveau de la demande  puis, de proposer une vision globale et agrégée.

Le concept de propension marginal à consommer dc/dy affirmant que la croissance du revenu s’accompagne d’une croissance de la consommation non proportionnelle s’est  avéré être, dans la réalité, une variable significative sur la durée    alors que son pendant, pour l’investissement, l’efficacité marginale du capital  fluctue sur le court  terme.

La théorie  macroéconomique de la consommation et celle de l’épargne sont complémentaires car les comportements des agents sont  tels que les décisions en faveur de l’une influence l’autre. Ces décisions sont elles-mêmes sous l’effet de penchants subjectifs que le consommateur transforme  en calculs et décisions. Il y par exemple  la précaution, l’indépendance économique, la prévoyance, l’orgueil, l’avarice, etc. Keynes  qualifiait  d’irrationnels ces déterminants de la consommation en raison de leur imprévisibilité mais reconnaît la constance de la consommation globale  par le  concept de propension moyenne à consommer C/Y qui s’explique par « l’habitude ».

Par ailleurs, on  peut également ranger  le taux d’intérêt, les conditions fiscales et la stabilité de la monnaie parmi  des variables de calculs.  Dans nos économies le taux d’épargne est relativement stable. Dans les années 2002/2006 il oscillait autour de 15 %. On constate qu’en période de baisse des revenus réels, les ménages puisent dans les livrets de caisse d’épargne et que,  « si ça continue, beaucoup de ménages vont se retrouver insolvables » (Marc Touati 2005). Parallèlement, la longue  hausse de l’immobilier a créé un  véritable effet de richesse qu’il convient bien sûr de nuancer selon les catégories sociales et selon   les remboursements des emprunts   à taux fixes ou variables. Cet effet Pigou consiste dans le fait que les   banques prêtent plus facilement lorsque les garantis sont plus solides et réciproquement…, « tous les américains qui se croyaient riches grâce à la hausse de l’immobilier se retrouvent appauvris. L’effet richesse qui a entrainé, depuis une décennie, le cercle vertueux de l’euphorie consommatrice américaine se retourne en cercle vicieux » (Christian Stoffaes  la tribune 7/02/08) ; avec néanmoins  un espoir pour  les jeunes américains qui ne sont pas encore propriétaires. 

Chaque pays a sa propre culture de crédit.  Les français l’utilisent  beaucoup moins que les Américains, les Anglais ou que les Allemands. Ces derniers sont aussi « des épargnants consciencieux puisqu’ils mettent de côté 16.4 % de leur revenus. Mais, pour eux, quand  il faut arbitrer entre s’endetter et puiser dans son épargne, le choix bascule plus souvent en faveur du crédit que dans l’hexagone » ( Héloise  Bolle, Challenges 2005).

Il y a un phénomène relativement nouveau que l’on constate depuis quelques années. C’est l’impression de baisse de pouvoir d’achat ressenti par les ménages alors que les chiffres officiels démontrent le contraire. Certains produits connaissent de fortes augmentations (essence, fuel, tabac, primes d’assurances..), mais  elles ne sont apparemment  pas  compensées par les baisses spectaculaires des produits et services des nouvelles technologies dont on ne peut nier l’effet sur le pouvoir d’achat des encaisses de  transaction. Comme leur consommation est devenu frénétique,  leur addition pour les ménages n’a cessé de s’alourdir et, comme le titrait  Capital  en 2005, « les ménages dépensent plus sans s’en apercevoir ». Cette tendance est d’autant plus  intéressante que   la quasi-totalité des ménages disposent depuis plusieurs décennies de calculettes et d’ordinateurs pour faire leurs comptes mensuels et annuels. On pourrait dire que la pression de la société de consommation  – et celle des enfants –  voilent les calculs rationnels des bons pères de famille. Mais quand ils calculent bien , il s’attachent à mesurer « le revenu dont on dispose librement, lorsqu’on a payé  tout ce que l’on est « obligé » de consommer ( logement, assurance, électricité, voiture…), car ces dépenses « contraintes » représentent aujourd’hui plus du tiers des dépenses des ménages, ( Franck Portier , le Monde 11 décembre 2007). Tout cela conduit naturellement à se pencher sur  ce que les conjoncturistes appellent le moral ou la confiance des  consommateurs.     

 

                                                 2)    Déterminants liés à la nature des choses 

 

Les conjoncturistes parlent de confiance des consommateurs ou du moral des ménages. Ce dernier fait l’objet d’indices de court terme calculés, sur la base de la méthode des sondages comprenant des questions sur la perception du pouvoir d’achat, les  intentions d’achats, la perception de la solidité de l’emploi,  celle de l’environnement économique… ( Consumer Confidence Index aux Etats-Unis, IPSOS SOFINCO en Europe). La variable la plus  significative est la perception des ménages relative à l’emploi. « La confiance a une double base : la situation du ménage et l’idée qu’il s’en fait. Cette dernière agrège la perception de l’entreprise où il travaille, et celle des entreprise en générale, le fameux climat des affaires » (Jean-Paul Betbèze, Le monde 20/11/01). 

On peut établir un parallélisme avec ce que Keynes appelait  les esprits animaux en parlant de ceux qui prennent les décisions d’investissement sur le long terme. Ces deux variables d’origine psychosociologiques auraient  une influence sur le cycle des affaires avec   une inconstance de l’intensité  de la causalité et des phénomènes de retards et de compensations surtout pour ce qui concerne les indices des consommateurs. Il n’en reste pas moins que ces indices sont  suivis  de près dans le monde des affaires, particulièrement en période d’incertitude ou de ruptures de tendance. Ce qui rend l’analyse délicate s’est l’aspect exogène et « irrationnel » de la  variable  de moral et de confiance des ménages. On constate souvent un moral bas avec un pouvoir d’achat en hausse et réciproquement une confiance solide alors que la conjoncture s’oriente à la baisse. Ceci  s’explique par la  déformation engendrée par la perception des choses ainsi que les retards par rapports aux indices et signes  de l’économie réelle. Existe-t-il une relation de causalité entre le moral des ménages et leur consommation ?  Entre  1996 et 2002,  il y a une très grande stabilité de la consommation des ménages et ce, malgré la montée du chômage.   

Les conjoncturistes constatent  qu’en période de moral élevé, les décisions d’achats sont mieux planifiées, assises sur plus de  certitude, conclues à des dates anticipées, et relativement mal négociées ; c’est souvent le  cas dans le secteur de  l’automobile. Les périodes de moral élevé sont également celles ou les ménages ont tendance  à acheter des produits et services de nouvelles technologies (arts ménagers, Hi Fi, nouvelles destinations de voyages,..).   

En situation de moral bas, ces tendances s’inversent mais avec des phénomènes de compensation. On se souvient du boom sur la consommation de Champagne aux fêtes de Noël 1974,  en plein choc pétrolier. Il y a aussi des  phénomènes de substitution, produits de luxe vers   produits discountés  (dans les cosmétiques, les produits de beauté, les vêtements, etc.). En revanche comme le constate le CREDOC  la sinistrose n’affecte  pas le niveau de la demande potentielle.  

Concernant les prévisions, les instituts de conjoncture sont plutôt  sceptiques  à l’égard des  indices de confiance essentiellement en  raison  des effets retard  des perceptions des consommateurs. En fait, les ménages extrapolent selon la situation à un moment donné. Il convient donc de différencier la situation réelle de celle qui est perçue.

A propos des  évènements non économiques, Lynn Franco, responsable des Indices du Conference Board, constate que « la psychologie des consommateurs réagit aux évènements politiques, aux guerres, au terrorisme, aux krach boursiers. Mais il  est frappant de constater, sur près de quarante ans de statistiques, que  les évènements non économiques, ont finalement un impact limité  dans le temps. La confiance enregistre des soubresauts et revient ensuite progressivement à la normale. La capacité du consommateur américain est tout à fait étonnante ».

En matière de politique économique, le moral ou la confiance ne se décrète pas et les résultats des  mesures qui visent à relancer artificiellement la consommation sont souvent mitigés. En France, on constate une remarquable stabilité annuelle  de la consommation même lorsque le chômage augmente ; les statisticiens de l’INSEE affirmaient en 2002 que « la montée du chômage, au début des années 90 n’a contribué que  faiblement au ralentissement de la consommation ». « En fait, ce n’est pas tant  l’inquiétude ou la confiance qui déterminent l’essentiel des comportements d’achats que les moyens financiers dont les ménages disposent. Evolution des salaires nominaux ou de la masse salariale, baisse se l’inflation, plus grande facilité à recourir au crédit sont autant de moteurs plus puissants que la confiance en l’avenir. » (Les Echos mars 2002). 

                                                                                     Emulation sociale

La variable « confiance » des ménages ne peut être isolée des influences sociales. Duesenberry  précisait que « …du désir d’émulation sociale, il résulte que l’épargne effectuée par un individu, dépend non seulement de son revenu, mais du revenu des autres personnes avec lesquelles il vit : au contact de biens supérieurs ou de niveaux de vie plus élevés, de nouveaux désirs apparaissent et élèvent la propension à consommer.            A l’inverse, lorsqu’il n’y pas de contact social, les désirs de consommation  peuvent devenir  faibles….. » (Pierre Marie Bradel) ; remarquons simplement que l’analyse de  Duesenberry   date des années 40 et que l’environnement social  a bien changé depuis. L’aspiration à être et vivre  comme  « sa »  classe supérieure de référence n’a cependant  pas vieillit ; mais si la croissance des revenus   le permet  moins, on pourra toujours essayer de se satisfaire en ne sélectionnant que quelques produits, y compris culturels,  pour n’en consommer que les signes. En 1974, Baudrillard nous expliquait qu’«  aujourd’hui, la consommation – si ce terme  a un sens autre que celui que lui donne l’économie vulgaire – définit précisément ce stade où la marchandise est immédiatement produite comme signe, comme valeur /signe, et les signes (la culture) comme marchandise. » (Pour une critique de l’économie du signe. Jean Baudrillard) De ce point de là, les choses n’ont pas changé, bien au contraire.

 

                                                                  3)       Déterminants liés au temps   

 

Au-delà des anticipations objectives ou subjectives qui agissent sur des décisions d’achat précises en tant qu’elles se transforment en fonctions de demande susceptibles de faire l’objet d’anticipations au sens de la demande effective de Keynes, plusieurs théories élargissent l’horizon temporel.

Dans la théorie du cycle de vie, Franco Modigliani constate que pendant leur période d’activité, les ménages consomment moins que leur revenu en raison de la constitution d’une épargne de précaution pour la retraite. Cette épargne de long terme est devenue une véritable  préoccupation depuis la prise de conscience de la  future   pyramide démographique. Dans les faits, les épargnants limitent leur consommation  par un niveau de flux d’épargne estimé leur permettre de «  limiter les dégâts » en période de retraite. Il s’agit  plus d’une vision floue de l’avenir que d’un calcul précis ; ce qui est cohérent dans la mesure l’individu ne peut estimer  son espérance de vie et donc   celle de sa retraite. De plus les ménages ont tendance à ne pas envisager les  changements technologiques ou démographiques quels que  soit le sens positifs ou négatifs de leurs effets.  En réalité, compte tenu de l’espérance de vie moyenne, le taux d’épargne actuel pour la retraite  est largement insuffisant par rapport au niveau de vie que la plupart des classes actives  espèrent obtenir quand  elles quitteront leur activité professionnelle. On ne peut donc parler uniquement d’optimisation de  valeur  dans le temps mais plutôt  d’un  besoin actuel de satisfaire une inquiétude. Modigliani fait cependant l’hypothèse de la stabilité des ressources tout  au  long de la vie ; Elle  détermine ainsi le niveau de consommation.

Sur le moyen terme, Duesenberry, avait mis  en évidence l’effet de cliquet, selon lequel, le niveau de consommation d’une période, dépend du niveau de consommation le plus élevé des périodes précédentes. 

Selon  Friedmann, l’individu anticipe ses revenus et prend ses décisions de consommation  en fonction de ses revenus actuels et des ses revenus futurs.

Sur le long terme, dans une économie  qui connaît une hausse continue du niveau de vie, la propension moyenne à consommer qui est globalement  une variable anticipée diminue régulièrement. Cette loi proposée par Keynes se décline  au niveau macroéconomique et en fonction de  la répartition   par  catégories de revenus.

Ceci est en cohérence avec les lois d’Engel qui constatent l’évolution des parts respectives des produits dans le budget des ménages (baisse de l’alimentation, de l’habillement, stabilité du logement, hausse des loisirs…).

Sur le moyen terme, Brown relève l’effet mémoire selon lequel, la consommation dépend également des habitudes de consommation. Par cet effet de cliquet, les ménages ont tendance à maintenir leur niveau de vie quitte à puiser dans leur épargne. A ce sujet on constate très souvent un délai  entre une baisse du pouvoir d’achat provoquée par des prix à la hausse et la décision de puiser dans  les comptes d’épargne ou d’effectuer des substitutions entre produits comme si les consommateurs avait besoin de  plusieurs confirmations de la hausse des prix. Il y a donc une tendance à reporter  à plus tard ; « Ceci doit  être interprété par une attitude passéiste ; on ne « suit pas ses consommations, on ne rectifie pas le tir, on  ne négocia pas son loyer alors qu’on peut le faire ….on regarde à la fin du moi ce qui reste.  C’est le solde en fin de mois qui peut  conduire à une restriction volontaire… »    (Jean Charles Simon, Tribune 3/04/07)  

  L’incertitude relative au long terme contribue largement à renforcer le taux          d’épargne. On a pu le constater en 2003 lorsque le contenu de la réforme des   retraites a été précisée il y  a eu une libération d’une partie de l’épargne jusqu’ici bloquée par précaution, ce qui a  incité les gouvernements à finaliser ces réformes afin de   produire un surcroit de consommation  par inversion des anticipations. Ce type de phénomènes se constate également en cas de changement des contraintes fiscales.

Par ailleurs,  les  conditions contractuelles de vente ont une influence croissante sur la rigidité de la consommation par la généralisation des abonnements reconductibles de biens et de services. Il  faut également ajouter les périodes de soldes très précisément planifiées par les consommateurs et qui ne peuvent être perturbées que par la météo qui de nos jours a plus d’influence sur la consommation des biens  de consommation que sur les produits de l’agriculture.

La structure de la distribution vers le consommateur final fait régulièrement l’objet de discussions relatives au pouvoir d’achat. C’est le cas en France où l’offre de grandes surfaces est encore bridée par des contraintes  juridiques.   

                    

                                II) Représentation des besoins et rôles sur l’utilité

 

 

L’approche marginaliste établit une relation entre les biens et l’utilité qu’en tire  le consommateur. Cette relation constitue le fondement de la  fonction de demande .On peut distinguer deux type de biens : les biens pour lesquels une utilité est déjà fournie au consommateur, ils appartiennent au   consommateur dans le sens où ils ont   fait l’objet d’une transaction préalable et les biens qui fourniraient au consommateur un nouveau niveau d’utilité    globale dans le cas où il les achèterait. C’est cette deuxième catégorie de   biens qui permet de construire la   fonction de demande.

La théorie de l’utilité  n’a jamais vraiment précisé la relation entre le niveau de satisfaction et les besoins du consommateur. D’abord parce que ceci n’est pas nécessaire pour comprendre comment on passe de la notion de satisfaction à celle de la demande, ensuite parce qu’il a bien  fallu déterminer  une  frontière entre l’économie et les domaines de la psychologie et  la sociologie. Les économistes se contentent  de  l’existence des besoins sans se poser la question de leur origine. Il y a cependant  une distinction entre  types de besoins lorsqu’il s’avère utile d’expliquer le niveau de l’utilité marginale relative entre plusieurs biens ou de l’élasticité de leur  courbe de  demande.   

Ce que nous proposons ici consiste à intégrer  certains aspects de la théorie des besoins en tant qu’ils peuvent apporter des explications au phénomène de la consommation. Quatre  composantes nous semblent  intéressantes ; le caractère de continuité des besoins, l’évolution de leur tension dans le temps, les relations d’application entre les besoins et les biens et le processus de rencontre entre le besoin de base et les biens offerts sur le marché.  

 

                                                       1)    Quelques aspects de la théorie du besoin 

Concernant le caractère de continuité des besoins  la  théorie de la psychologie des besoins établit  les caractéristiques suivantes :

•         un caractère vital,

•         une  hiérarchisation,   

•         une permanence fluctuante et évolutive,

•         une modification de la forme de la satisfaction,

•         un caractère universel

Dans sa théorie  Maslow propose une priorité et une hiérarchie s’établissant  des  besoins  vitaux jusqu’aux  besoins d’épanouissement de soi.

Dans le cadre d’une recherche de relation dynamique besoins/ utilité   on devrait  donner au caractère de continuité  l’importance que la réalité suggère. Et, attribuer à ce caractère de continuité une notion de tension pour préciser l’intensité du besoin  agissant au niveau   de l’utilité.    

 

                                                                    Evolution  de la tension des besoins

 

     L’approche  utilitariste  se fonde sur  l’existence des besoins sans se préoccuper de  leurs conditions d’apparition et d’évolution. Pourtant, les explications  concernant    la plupart    des  transactions gagneraient  à intégrer ces considérations. Prenons le cas d’achat  d’un  véhicule : immédiatement après l’achat de la  nouvelle voiture, nait le besoin de la  suivante dont l’achat aura lieu  quelques années plus tard. Le besoin de la nouvelle voiture est proche de zéro juste après l’achat  puis augmente progressivement au fur et à mesure de l’usure et/ou de son obsolescence. Ceci est vrai pour tous les achats récurrents (croissants du petit déjeuner, vacances, tenues vestimentaires, décoration d’habitation …) et la tension  du besoin est d’autant plus forte que la décision d’achat à du   être retardée comme par exemple pendant les périodes  de  guerre, ou, lorsque le drogué n’a pu se faire livrer sa dose ou encore lorsque le prix d’un produit est resté longtemps à  niveau de prix tel que peu de consommateurs peuvent y accéder pour des raisons de revenu comme par exemple les télévisions à écran plat  à leurs premières années de diffusion.   

 

                                        Relations d’applications entre  biens et besoins et leur rencontre   

 

Nous suggérons deux   types de relations entre les besoins et les biens  proposés. Une relation surjective des besoins vers les  biens : un produit peut répondre à plusieurs besoins comme par exemple la voiture  satisfait le  besoin de déplacements  professionnels,  celui des loisirs et   celui de paraître. Parallèlement,  il y a une relation surjective des biens vers les besoins : un besoin peut être satisfait par plusieurs biens : le besoin de paraître peut être comblé par un séjour de vacances dans une station chic, par une nouvelle voiture, par  une nouvelle garde-robe etc.

Ces deux relations parallèles  sont complexifiées par le fait que besoins et biens subissent dans le temps et sous l’effet des stratégies marketing des transformations vers une plus grande sophistication. Le besoin de boire peut se transformer en une sous variétés de besoins  plus précis (boire sucré, froid, un liquide  gazeux,…) eux-mêmes   transformés en un besoin   de tel ou tel  soda.

Côtés produits il y a également sophistication par le développement de  modèles définis sur la base d’analyse de besoins. L’économiste se pose alors la question de l’œuf ou de la poule mais le processus de rencontre antérieur à la  phase de marché nous semble tout autant nécessaire à la compréhension de l’équilibre.

  

                                        III) L’inertie de la consommation

 

Ces différentes analyses    permettent d’expliquer l’inertie des flux de la consommation. Plusieurs phénomènes y contribuent : la permanence des besoins dans le temps, le processus de « relais » entre besoins et biens rendus possible par la double surjection ; cas de vacances à  Gstaad ou le besoin  de paraître est plus important que celui de faire du ski. Les  comportements d’imitation ainsi que le besoin de rattraper les classes sociales   supérieures sont  également facteur de continuité  car  les biens et services souhaités nécessitent un revenu préalable supérieur. Dans ce processus, il y a souvent une attente entre le besoin et la possibilité de le satisfaire. Dans les économies occidentales, en croissance,  les revenus des ménages sont (encore) en croissance  tout le  long  de l’activité professionnelle. A tout moment, pour chaque catégorie socio professionnelle, il y a  un panel potentiel de biens et service correspondant  à la CSP supérieure.

Ces facteurs contribuent à l’inertie de la consommation et donc à sa relative stabilité rarement affectée par des mouvements inattendus qualifiés par les conjoncturistes de « surprises » dans la mesure où ils ne sont pas conformes aux relations habituelles de causalité. Cette analyse des facteurs d’inertie va dans le sens de l’article « Homo Economicus, calcul, temps et choses, Conjoncture et décisions, octobre 2007», dans lequel nous proposons une  conception  des biens et services caractérisée par leur complémentarité, leur fonction et leur interdépendance.     

                                                                                                                                  Bernard Biedermann

                                                                                                                                 Conjoncture et décisions

                                                                                                                                  http://www.Theoreco.com

                                                                                                                                 juin  2008

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