Le terme de configuration issu de l’informatique et des télécoms convient bien aux possibilités de scénario vers lesquels une économie peut, à un moment donné, s’orienter. Une configuration est définie par des données, des contraintes, des conditions, des curseurs, des mécanismes et des algorithmes de réactions.
Les attitudes des économistes, depuis le début de la crise, ont d’abord été spontanées puis plus réfléchis. Dans l’urgence, il a d’abord fallu sauver les économies d’une catastrophe systémique par les outils habituels de la politique économique. Les adeptes du « plus jamais çà » ont réagi de manière simple : il fallait désormais contrôler et réguler les banques pour les empêcher de reproduire des systèmes financiers fondés sur de la titrisation et des actifs toxiques. Ensuite, et avec un peu plus de recul, on a regretté, l’absence d’une politique de revenu qui aurait atténué les inégalités. On a aussi mis en évidence le manque d’informations relatives au niveau et aux risques des crédits et plus généralement à l’observation des bulles. Enfin, les « équilibristes », (équilibristes parce que les marges de manœuvres conduisant aux conditions d’équilibre n’ont jamais été aussi étroites), se sont engagés dans des recommandations souvent utopiques, au niveau mondial et sur le long terme.
Les écrits traitants de l’après crise sont aujourd’hui encore moins nombreux que ceux qui visent à en expliquer les causes. Concernant la durée de la crise ou plus précisément le temps de croissance faible qui nous sépare d’une conjoncture ou le chômage aura retrouvé un niveau d’environ 5 % les avis divergent mais tendent de plus en plus à envisager une période longue : Jacques Attali : deux à cinq ans, Nicolas Baverez , Stiglitz : une ou deux décennies . Le profil de la reprise se décline en V, en W, en tôle ondulée ou en racine carrée.
En fait la plupart des économistes raisonnent comme si la structure de la demande allait rester inchangée avec les contraintes : dettes publics et privées, pyramides des ages et structure des revenus qui, toutes trois relèvent du long terme.
L’imagination des équilibristes
Le déclin relatif de la part des salaires dans la valeur ajouté, notamment aux Etats-Unis a pu conduire certains à des recommandations de type « keynésienne ». Mais la configuration des économies entre elles imposerait que tous les pays dont la part des salaires dans leur PIB est jugée insuffisante agissent en même temps et dans le même sens. Malheureusement la situation actuelle est telle que chaque pays exportateur souhaite que tous les autres et non pas lui même, augmentent leur pouvoir d’achat et donc leurs importations car les hausses de salaires souhaitées, sont possibles dans les secteurs à l’abri de la concurrence internationale mais difficiles à envisager dans les entreprises exposés.
Dans le domaine monétaire, le gouvernement chinois s’efforce, dit-on, de sous évaluer le Yuan au grand regret de l’administration américaine en lutte avec ses déficits. Cette situation est comparable à certains pays occidentaux comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, (les PIGS ) pour lesquels une dévaluation de l’Euro serait la bienvenue.
Les espoirs d’une nouvelle demande liée au développement de produits et services conformes aux recommandations de la protection de l’environnement sont aujourd’hui perçus comme un investissement ; Ce qui implique la réalisation de coût, d’amortissement, de prévisions et d’ hypothèses de risques, comme dans n’importe quel investissement. La question est alors de savoir si ce type de d’investissement peut avoir un effet réel en période de récession dans laquelle la majorité des entreprises adoptent un comportement passif « d’attente de bons de commandes ». Il semblerait néanmoins que le business vert ait bien démarré aux Etats-Unis. Il faut cependant avoir à l’esprit que les activités liées à l’environnement, présentent un caractère diffus, sans nécessité directe pour le consommateur moyen encore peu enclin à payer plus cher, et font pour la plupart l’objet de réglementations sujettes à négociations de type Copenhague dont on ne saura jamais si les clauses sont bien respectées. De plus elles sont conditionnées à un flux d’innovations issu de la recherche, financé par les budgets publics limités ou des budgets privés qui comportent un taux de risque élevé.
Si aux contraintes évoquées ci-dessus on ajoute, l’impossibilité de canaliser les réserves monétaires internationales, le problème des retraites, une interdépendance complexe, multipolaire, globalisée et en opposition, ainsi que la crainte d’avoir la responsabilité de l’éclatement de futures bulles on comprend aisément le doute qu’on peut éprouver à l’égard de tous ceux qui construisent sur le long terme des scénarios interventionnistes. La situation de l’Afrique qui connaît un niveau d’investissement Chinois particulièrement élevé est-elle une exception ? Pas vraiment, il y a certes une vision à long terme mais les décisions d’attaquer les marchés africains ont pu être prises de manière simple par une institution unitaire et centralisée. De plus les espoirs de gains relatifs aux matières premières ne sont guère entachés d’incertitude.
Voilà pourquoi nous qualifions d’équilibristes ceux qui fondent leurs espoirs sur une coordination mondiale efficace en ignorant le comportement, des « ânes qui n’ont pas soif », sans assumer le fait que la mesure du risque est d’abord question de subjectivité collective.
En réalité les économies occidentales ressemblent plus à des péniches qu’à des dériveurs. Le délai entre le coup de barre et ses effets est long ; il en est de même pour la politique économique qui plus que jamais s’avère être un art particulièrement délicat.
Le contenu de cet article a été intégré dans l’essai « Le numérique, c’est l’économique » accessible par l’article : Le numérique, c’est l’économique, en tête du blog :
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Bernard Biedermann
Conjoncture et Décisions 2010